Pour sortir définitivement du piège des énergies fossiles, nous, professionnels de l’efficacité énergétique, de la chaleur et du froid renouvelables et de récupération, réunis au sein de la Fedene, appelons les futurs députés européens à conforter les engagements du Pacte vert au-delà de 2030 en orientant leur action autour des économies d’énergie et du verdissement de la chaleur.
Avec la fin des négociations sur le Pacte vert, l’Union européenne doit maintenant ouvrir une nouvelle phase : celle de l’action !
En visant la neutralité carbone en 2050, l’Europe affiche de grandes ambitions. Mais l’Europe est en retard sur la décarbonation de la chaleur : 50 % de l’énergie consommée dans l’UE est utilisée pour le chauffage et le refroidissement et cette production de chaleur et de froid dépend encore trop majoritairement d’énergies fossiles importées, dont l’approvisionnement est devenu incertain et les prix volatils. Nous avons pourtant les moyens d’êtres plus sobres et de décarboner très rapidement la chaleur, avec des ressources locales et durables qui garantissent notre indépendance vis-à-vis des pays producteurs d’énergies fossiles. Si nous ratons cette cible, le risque est grand de rester dépendants des énergies fossiles et de subir de nouvelles hausses importantes de nos factures d’énergie. Si nous ratons cette cible, nous ne parviendrons jamais à rattraper notre retard et atteindre la neutralité carbone, condition indispensable pour maintenir le réchauffement climatique à un niveau supportable.
Dans un contexte de grande instabilité économique et géopolitique, le renouvellement du Parlement européen est une opportunité pour apporter des réponses concrètes aux défis de notre temps : renforcer la souveraineté énergétique de l’Union européenne, lutter contre le dérèglement climatique et garantir la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat. Pour cela, les entreprises de la Fedene encouragent les futurs députés à orienter leur action autour de quatre grandes priorités.
Ne nous y trompons pas, l’Europe ne sera crédible que si elle démontre le plus vite possible qu’elle respecte sa trajectoire du paquet Fit for 55 à 2030. Il ne reste que 7 ans pour baisser les émissions dans la même proportion que ce que nous avons accompli collectivement depuis … 33 ans. L’atteinte des objectifs ambitieux du Pacte vert exige un cadre fort et cohérent pour mobiliser durablement les acteurs, et engager des investissements d’une ampleur inédite. Ainsi, le législateur européen doit absolument cesser d’alourdir le cadre communautaire et passer maintenant le flambeau aux Etats membres pour qu’ils transposent rapidement et fidèlement le Fit for 55.
Faire de l’efficacité énergétique le premier levier de la transition énergétique, c’est la deuxième priorité ! La politique énergétique européenne doit encourager les solutions matures et éprouvées, comme les contrats de performance énergétique et carbone, qui garantissent des gains énergétiques réels et pérennes. Déployer ces outils dans les logements collectifs, les bâtiments tertiaires et les installations industrielles réduira considérablement nos consommations énergétiques.
Ensuite, l’Union européenne doit encourager la décarbonation massive de la chaleur qui repose encore très majoritairement sur des énergies fossiles, principalement du gaz, en faisant appel à toutes les sources d’énergies renouvelables et de récupération. En premier lieu la chaleur et le froid fatals doivent être massivement récupérés et valorisés, partout où ils se trouvent, notamment dans l’industrie. La biomasse, première énergie renouvelable d’Europe, doit aussi être mobilisée durablement, aux côtés des déchets, de la géothermie ou encore du solaire thermique. Une solution à montrer sa capacité à faire basculer rapidement un grand nombre d’immeubles vers ces énergies renouvelables et de récupération locales : les réseaux de chaleur et de froid. Si nous voulons rapidement sortir des énergies fossiles importées, il faut les déployer dans toutes les villes dans lesquelles ils s’avèrent pertinents. Produire localement de la chaleur et du froid décarbonés, c’est la troisième priorité de cette nouvelle législature !
Last but not least : les objectifs à atteindre exigeant des investissements massifs pour transformer nos villes, nos bâtiments et nos processus industriels, l’Union doit mettre en place les bons outils pour financer cette transition énergétique. Tous les financements privés et publics doivent être mobilisés pour transformer l’économie du continent ! Il faut stabiliser les règles de la taxonomie verte et simplifier le recours aux soutiens publics en privilégiant l’abondement des fonds nationaux par les fonds européens, plutôt que le fardeau administratif des fonds européens dédiés aux projets.
Comme les régions françaises, les États membres se distinguent par des mix énergétiques très divers et des ressources d’énergies renouvelables toutes aussi variées. Certains ont déjà su sortir largement de leur dépendance aux énergies fossiles. Ils ont amplement démontré que là où il y a une volonté politique, il y a un chemin. Moins consommer et décarboner massivement la chaleur, pour la France et pour l’Europe, c’est un magnifique projet politique pour nos eurodéputés !
Ce texte a fait l’objet d’une tribune publiée le 09/04/2024 sur www.lesechos.fr (abonnés)