Position des acteurs de la filière forêt-bois et des collectivités locales françaises engagées dans la transition écologique sur la révision de RED II (RED III)
Dans le cadre des trilogues sur la révision de la directive RED II, les acteurs de la filière forêt bois et des collectivités locales françaises engagées dans la transition écologique souhaitent attirer l’attention des représentants du Parlement européen sur les enjeux très forts que recouvre ce texte pour l’avenir d’une gestion durable des forêts en France, qui permette de conjuguer à la fois la préservation de notre puits de carbone, la décarbonation de l’économie par les différents usages du bois et notre capacité à poursuivre le développement de la chaleur renouvelable nécessaire à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone en 2050.
1. La part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’UE en 2030 peut augmenter
Les acteurs de la filière forêt bois et des collectivités locales françaises engagées dans la transition écologique soutiennent l’objectif du Parlement européen de réhausser à 45% la part des énergies
renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’UE en 2030. Sans une mobilisation accrue de bois énergie issu d’une gestion forestière durable, la France sera dans l’incapacité de respecter ses objectifs européens, a fortiori si l’objectif global est rehaussé à 45%.
2. Avec une approche vertueuse de l’utilisation de la biomasse
Depuis des décennies, les prélèvements de bois en France sont soumis à un cadre légal très strict. Les pratiques sylvicoles ainsi très encadrées ont pour objectif prioritaire la production de bois d’œuvre. La vocation première de la forêt n’est pas de fournir du bois énergie ; le bois issu de la sylviculture est d’abord produit et récolté pour construire nos maisons et nos meubles, fabriquer nos emballages, etc. (le bois d’œuvre) et pour produire du papier et des panneaux (le bois d’industrie). La production d’énergie intervient en bout de chaîne, valorisant les parties de l’arbre qui n’ont pas d’autres débouchés. Le débouché bois énergie, indispensable aux actes de gestion sylvicole, apporte aux propriétaires forestiers un complément de revenu indispensable à l’entretien de leur patrimoine forestier.
Les prélèvements de bois en forêt (pour le bois d’œuvre, le bois d’industrie et le bois énergie) sont très inférieurs à l’accroissement naturel des forêts, en témoigne la surface forestière et le volume de bois sur pied qui ont doublé en deux siècles en France, et qui continuent de s’accroître. Selon l’inventaire forestier national, entre 1985 et 2021, la surface forestière en France a augmenté de 21% et le volume de bois sur pied de 50%. Le principal puits de carbone français est donc en croissance continue.
De plus, organisés en consortium, les acteurs de la filière forêt bois (CIBE, CNPF, COPACEL, EFF, FEDENE, FNB, FNCOFOR, FNEDT, FRANSYLVA, ONF, ONFE, UCFF et SER) se sont mobilisés pour mettre en œuvre les exigences de l’actuelle directive sur les énergies renouvelables (RED II). D’une part, le consortium a contribué à la rédaction de l’analyse de risques nationale, avec le soutien du Ministère de l’agriculture en charge de la forêt et de l’ADEME et avec la contribution du Ministère en charge de la transition énergétique. Cette analyse de risque, validée après sa mise en consultation publique, décrit le cadre légal, les pratiques et les contrôles en France métropolitaine et outre-mer en matière de gestion durable des forêts. Elle conclut à un risque très faible de biomasse non conforme aux exigences de la directive RED II en France.
D’autre part, le consortium a préparé les outils pour permettre aux opérateurs de la filière de justifier de la traçabilité et la durabilité de la biomasse forestière qu’ils utilisent : les modèles d’attestation et de déclaration à utiliser pendant la phase transitoire (du 1er juillet 2022 au 1er juillet 2023), des contacts multiples avec les différents schémas de certification volontaires pour répondre aux obligations de contrôles et de certifications après cette période transitoire. En cohérence avec sa démarche d’exemplarité, les acteurs de la filière forêt bois et des collectivités
locales françaises engagées dans la transition écologique soutiennent le renforcement des critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les combustibles solides issus de la biomasse, dans les installations avec une puissance thermique nominale totale égale ou supérieure à 10 MW (seuil proposé par le Conseil) là où la législation actuelle fixe ce seuil à 20 MW. Toutefois, afin de réduire la charge administrative pour les producteurs, les signataires souhaitent un mécanisme de vérification volontaire simplifié pour les installations de 10 à 20 MW ainsi qu’une non rétroactivité de ce seuil de manière à ce que ces exigences renforcées ne s’appliquent qu’aux installations nouvelles.
Par ailleurs, les signataires sont favorables à un usage de la biomasse dans des installations à haut rendement énergétique (pour la production de chaleur ou de chaleur et d’électricité en cogénération). Dans le contexte spécifique des régions ultramarines, l’électricité produite à partir de la biomasse forestière dans les installations exclusivement électriques devrait continuer à bénéficier de soutiens publics, afin de garantir la sécurité énergétique de ces régions.
En cohérence avec les points précédents, les acteurs de la filière forêt bois et des collectivités locales françaises engagées dans la transition écologique estiment que le renforcement des critères de
durabilité et le cadre très ambitieux qui a été mis en place dans le cadre de la transposition de l’actuelle directive RED II (point 2) rendent inutiles les limitations additionnelles liées à une définition de la biomasse ligneuse dite « primaire ».
Les signataires soutiennent la position du Conseil qui refuse la proposition du Parlement d’un plafond pour l’éligibilité du bois énergie aux objectifs des États membres en matière d’énergie renouvelable. Les récoltes sélectives pour le bois matériaux sont appelées à se développer dans le cadre de la transition écologique et toute augmentation de son usage augmentera à due proportion la quantité de bois énergie disponible pour décarboner les usages assurés par des énergies fossiles importées, sans réduire la capacité de la forêt à séquestrer du carbone.
Cette quantité induite de bois résiduel disponible pour la production d’énergie en France est plus importante car les feuillus y occupent les 2/3 des surfaces forestières et produisent par arbre 3 fois plus de bois énergie que les résineux. Si ces grandes quantités de biomasse de faible valeur restaient dans la forêt, les émissions de CO2 augmenteraient par décomposition naturelle et le risque de propagation des feux en cas d’incendies serait accru, ce qui constituerait un recul massif pour la protection du climat et de nos forêts. Une autre conséquence possible serait l’exportation de cette biomasse ligneuse à grande échelle vers des pays n’ayant pas pris les mêmes règles que nous, ce qui reviendrait à favoriser leur compétitivité au détriment de la filière forêt-bois européenne. Ainsi, les propositions du Parlement européen qui excluent des énergies renouvelables, plafonnent la biomasse ligneuse dite « primaire » et empêchent l’accès aux aides publiques pour cette source d’énergie seraient extrêmement dommageables pour la filière forêt bois et plus largement pour l’économie française : la remise en cause du bois-énergie, première énergie renouvelable en France, qui valorise les petits bois et les parties de l’arbre de moindre qualité, pénaliserait la gestion forestière et donc la résilience de nos forêts au changement climatique et aux incendies de forêt ainsi que la décarbonation de nos usages individuels et collectifs indispensable à la neutralité carbone.
4. Et dans le cadre d’une application de la complémentarité des usages du bois via la subsidiarité
Tel que proposé, le principe de cascade n’est pas adapté s’il ne considère pas la complémentarité des usages entre le bois d’œuvre, le bois industrie et le bois énergie, qui est pourtant la réalité technicoéconomique de terrain. Le Conseil propose que les États membres puissent déroger au principe de cascade lorsque l’industrie locale est quantitativement ou techniquement incapable d’utiliser la biomasse forestière selon une valeur ajoutée économique et environnementale supérieure à celle de l’énergie, et cela pour un nombre limité de matières premières provenant (i) d’activités de gestion forestière nécessaires, visant à assurer des opérations d’éclaircie ou conformes à la législation nationale sur la prévention des incendies de forêt dans les zones à haut risque ou (ii) d’une exploitation forestière à la suite de perturbations naturelles documentées ou (iii) de la récolte de certains bois dont les caractéristiques ne conviennent pas aux installations de transformation locales.
Si le principe de cascade devait être maintenu, un moindre mal serait de considérer la position du Conseil qui souhaite, plutôt qu’un acte délégué de la Commission, que les Etats membres prennent des mesures pour assurer l’application du principe de cascade. Les États membres notifieront ainsi à la Commission un résumé des dérogations à l’application du principe de cascade, ainsi que les justifications de ces dérogations et l’échelle géographique à laquelle elles s’appliquent. Il est également prévu dans ce cadre que la Commission rende publiques les notifications reçues et puisse émettre un avis public sur chacune de ces notifications.